Grecs

Parmi les migrants passés par Saint-Chamond durant la Première guerre mondiale, le souvenir des travailleurs « grecs » apparaît comme particulièrement occulté.

D’une part, cette population présente un caractère national assez flou : en effet, par ce terme, on regroupe plusieurs types de population. On retrouve en effet :

  • des émigrants, de nationalité grecque, en provenance de Crète ou des régions occupées par la Bulgarie dans le nord de la Grèce ;
  • des migrants en provenance des îles du Dodécanèse, alors sous domination italienne, et désireux de quitter un territoire connaissant un marasme économique important ;
  • des sujets ottomans, souvent de religion orthodoxe, qui fuient depuis le début des années 1910 et les guerres balkaniques l’Empire de la Sublime Porte, du fait des persécutions menées à l’initiative des « Jeunes Turcs », qui voient en eux des « ennemis de l’intérieur ».
Des états nominatifs des Grecs résidant à Izieux en 1918 font apparaître la présence de femmes et d’enfants – © ADL 4 M 475 Contrôle des étrangers : états 1 à 5. Arrondissement de Saint-Etienne (cantons de Pélussin, Rive-de-Gier, Saint-Chamond)

Des états nominatifs des Grecs résidant à Izieux en 1918 font apparaître la présence de femmes et d’enfants – © ADL 4 M 475 Contrôle des étrangers : états 1 à 5. Arrondissement de Saint-Etienne (cantons de Pélussin, Rive-de-Gier, Saint-Chamond)

Pour cette dernière composante, l’immigration est organisée au niveau de l’Etat français, toujours en recherche de bras pour son industrie de guerre. Des bateaux français sont affrétés pour convoyer jusqu’à Marseille ces réfugiés, qui présentent la particularité, jusqu’à 1917 au moins, de constituer une immigration familiale : les travailleurs viennent en France avec femmes et enfants.

Le village grec à Saint-Chamond – © Médiathèque municipale Louise Labé

Le village grec à Saint-Chamond – © Médiathèque municipale Louise Labé

A Saint-Chamond, un « village grec » est même constitué à proximité des Forges et Aciéries de la Marine pour accueillir ces populations en provenance d’Asie mineure.

Comme bon nombre de travailleurs étrangers, les Grecs sont regroupés sur des dépôts (à Lyon et à Marseille) qui orientent vers les industriels qui en font la demande des travailleurs. Ceux-ci peuvent être aisément renvoyés, notamment lorsqu’ils émettent des revendications en termes de conditions de travail ou de salaire.

A partir de l’entrée en guerre de la Grèce aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne au printemps 1917, au terme d’une véritable guerre civile larvée opposant le roi Constantin Ier, pro-allemand, au Premier ministre Elefthérios Venizélos, la situation des travailleurs grecs en France devient compliquée. En effet, certains d’entre eux deviennent de fait mobilisables par leur pays. Il est frappant dès lors de constater que certains d’entre eux revendiquent une nationalité « ottomane » ou « turque », par loyalisme ou opportunisme. C’est le cas par exemple de Christos Moschou, salarié aux Forges et Aciéries de la Marine, et dont le dossier remonte jusqu’au Ministère des Affaires étrangères.

Après la guerre, on constate qu’une partie des travailleurs grecs s’est implantée sur l’arrondissement de Saint-Etienne, autour des Forges et Aciéries de la Marine d’une part, et des charbonnages de Saint-Etienne d’autre part.

 

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