Place Jean-Jaurès

Jean Jaurès (1859-1914), première victime française de la guerre ?

Issu d’un milieu bourgeois provincial, Jean Jaurès est le prototype du nouveau personnel politique républicain de la fin du 19e siècle. Normalien, agrégé de philosophie, il quitte l’enseignement à 25 ans pour entamer une carrière politique, et se fait élire député républicain à Castres en 1885.

Jaurès incarnait l’éloquence parlementaire, même pour ses adversaires

Jaurès incarnait l’éloquence parlementaire, même pour ses adversaires

La grande grève des mineurs de Carmaux, dans sa circonscription, en 1892, contribue à sa conversion au socialisme. Il devient le représentant des mineurs à la députation, de 1893 à1898, puis de 1902 à 1914. Ses talents d’orateur et de journaliste (il fonde L’Humanité en 1904), qu’il met notamment au service de la cause du capitaine Dreyfus, lui assurent une place de premier rang dans le mouvement socialiste. Il prône l’unification des différentes tendances, et contribue activement à la mise en place en 1905 de la Section française de l’internationale socialiste (SFIO), le premier parti socialiste unifié de France. Au sein de cette organisation, dont il devient l’un des leaders, Jean Jaurès s’oppose à la politique coloniale, et au militarisme, au nom de ses idéaux internationalistes et pacifistes.

Honni par bon nombre de parlementaires, détesté par les nationalistes qui l’accusent de trahison, il met toute son énergie à conjurer le conflit mondial qu’il entrevoit en 1914, plaçant ses espoirs dans la solidarité des ouvriers européens. Il est assassiné par Raoul Villain le 31 juillet 1914, trois jours avant la déclaration de guerre.

Quelques jours avant cette fin tragique, il prononçait son dernier discours à Lyon-Vaise, le 25 juillet 1914, où il tente d’alerter ses concitoyens sur l’engrenage fatal qui menace d’embraser l’Europe. « Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole ». Alors que les politiciens nationalistes cherchent déjà à dresser nations les uns contre les autres, Jaurès reste lucide et ne prétend pas faire porter toutes les fautes sur l’Autriche-Hongrie ou l’Allemagne : « Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien! Citoyens, nous avons notre part de responsabilité (…). La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar ». Surtout, il pressent avec effroi, alors que les discours martiaux exaltent une guerre à venir courte et glorieuse, les ravages de la guerre industrielle portée à son paroxysme : « Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe: ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé ». Seul espoir pour l’orateur internationaliste, la solidarité de classe entre ouvriers des différentes nations : « Il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. »

Quelques jours après son assassinat, les différents pays mobilisent sans encombre leurs citoyens, et se précipitent dans un conflit qui dépassera en atrocités les pires prévisions de Jaurès.

Tombe de Jean JaurèsAlors que son meurtrier bénéficie d’un acquittement lors de son procès en 1919, Jean Jaurès entre au Panthéon en 1924, et acquiert définitivement le statut d’icône de la gauche française et européenne.

 

L’historique de la place Jean Jaurès

© Médiathèque Louise Labé / Saint-Chamond

© Médiathèque Louise Labé / Saint-Chamond

Située à Izieux, la place de la Croix de mission est débaptisée par la municipalité socialiste de la commune par délibération du conseil municipal du 29 août 1920. En célébrant la mémoire du tribun assassiné, les membres du conseil municipal contestent la mémoire locale qui associe la place à une mission d’évangélisation, symbolisée par une croix en fer forgée aujourd’hui disparue. Au début des années 1980, la place a fait l’objet d’une résorption d’habitat ancien, avec la démolition de toute une partie donnant sur la rue du marché.

Place Jean Jaurès aujourd'hui

Place Jean Jaurès aujourd’hui

Pour aller plus loin :

Un documentaire sur Jaurès de l’historien Henri Guillemin

Une reconstitution de l’assassinat de Jaurès

La chanson hommage de Jacques Brel « Pourquoi ont-ils tué Jaurès » (1977), et sa reprise en 2009 par Zebda

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